La pédagogie coopérative
La pédagogie coopérative vise idéalement deux buts complémentaires : apprendre à coopérer et coopérer pour apprendre. Outre le développement de valeurs coopératives, cette approche permet d'impliquer les élèves dans un travail en équipe et d'en optimiser les effets au travers de situations de coopération constructives entre les membres d'un groupe.
Les élèves sont amenés à interagir dans le cadre de trois dispositifs :
- l'entraide (plusieurs élèves se concentrent sur un problème) ;
- l'aide (un élève apporte un soutien à un compagnon de classe qui le lui a demandé) ;
- le tutorat (un élève reconnu comme expert et mandaté par la classe apporte ses compétences et ses connaissances à un compagnon qui en a manifesté le besoin).
De tels dispositifs modifient la nature des relations au sein de la classe : à des moments déterminés du processus d'apprentissage, certains élèves, en fonction de leur expertise, sont invités à agir en tant que coopérants. La classe se transforme alors en un espace d'échanges où prévaut une interdépendance positive : les compétences des uns deviennent des ressources pour les autres, les différences étant alors plus à entrevoir comme des richesses.
Ponctuellement dans une posture "enseignante", l'élève dépasse l'acte d'apprendre en aidant l'autre à vaincre des blocages. Pour ce faire, il emploie son langage et sa méthodologie, qui sont parfois plus adaptés car plus en phase avec l'autre. Ce faisant, il est amené à reformuler des acquis et ainsi ancrer davantage ses propres champs de connaissances et de maitrise.
La pédagogie coopérative n’induit pas que l’enseignant abandonne ses responsabilités, au contraire : il doit continuer à catalyser l’activité de la classe, à la gérer et doit monitorer les interactions entre les élèves. Cela implique une attention particulière aussi aux aspects liés à la communication, aux comportements individuels et au respect des règles de vie.
La valorisation qui découle de cette forme de pédagogie est également importante et ne se cristallise pas sur une seule personne : celui qui peut aider sur un point d'une discipline recevra un coup de pouce d'un autre par la suite.
La pédagogie coopérative représente également une forme d'éducation active, par le biais de laquelle chacun apprend par les autres, avec les autres et pour les autres.
Inspiré en partie d'une intervention de Sylvain Connac
Pour quoi organiser la pédagogie coopérative ?
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pour aborder l'élève par la porte de ses ressources plutôt que de mettre en évidence des faiblesses ;
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pour engendrer des réussites et ainsi valoriser et motiver tous les élèves que ces réussites impliquent ;
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pour permettre à l'enseignant de dégager plus de temps pour assister ceux que la structure coopérative n'a pas permis d'aider ;
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pour développer une motivation plus intrinsèque en plongeant l'élève dans un contexte d'explicitation et de mobilisation des acquis naturellement pertinent ;
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pour aider l'élève à mieux se connaitre, à mieux s'estimer et à identifier tant ses ressources que ses blocages ;
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pour aider l'élève à développer de nouvelles ressources, notamment en lien avec les processus cognitifs ;
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pour proposer aux élèves des situations dans lesquelles remobiliser des acquis ;
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pour autonomiser et responsabiliser l'élève durant les apprentissages en le plaçant dans une posture inédite ;
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pour montrer à l'élève qu'il est perçu dans ses singularités au sein du groupe classe ;
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pour tisser un lien nouveau avec les élèves et entre les élèves dans une perspective de socialisation ;
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pour augmenter le taux de satisfaction de l'élève face à l'apprentissage et celui de l'enseignant face à de meilleurs résultats chez ses élèves ;
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pour modifier la représentation que les élèves se font du savoir et de l'école, qui ne sont plus uniquement perçus comme deux éléments liés dans un processus passif où l'on reçoit mais plutôt deux facettes de l'action de transmettre ;
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pour développer et optimiser les synergies et les valeurs coopératives.
Sur quels objets mettre en oeuvre la pédagogique coopérative ?
La logique de la pédagogie coopérative peut être appliquée à tout moment du processus d'apprentissage :
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soutien durant la phase d'apprentissage
Il est possible de s'appuyer sur l'expertise d'élèves pour mettre en place chez d'autres certains apprentissages. Cela peut par exemple se présenter dans un dispositif modulaire dans lequel les élèves ne réalisent pas forcément le même parcours d'apprentissage simultanément. Ainsi arrivés au terme de leur parcours, certains peuvent consolider leurs acquis en aidant d'autres élèves aux prises avec des difficultés face à ce nouvel apprentissage.
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remédiation à l'issue de la phase d'apprentissage
Une évaluation formative ciblée sur des objets d'apprentissage permet de mettre en évidence des différences de maitrise au sein d'un groupe-classe. Un moment de remédiation peut alors être organisé en sollicitant ceux qui ont atteint les attendus afin d'aider ceux qui doivent encore progresser.
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résolution de conflits, vie collective
La pédagogie coopérative gagne à être développée au-delà d'une utilisation à des fins d'apprentissage. Elle permet d'optimiser les synergies au sein de la classe.
Comment mettre en oeuvre la pédagogie coopérative ?
La pédagogie coopérative ne s'improvise pas. Il ne suffit pas de décréter que des élèves d'une même classe vont se mettre à coopérer pour que cela arrive.
La pédagogie coopérative s'organise, se prépare, s'appuie sur des outils et s'apprend.
Pour mettre en place un dispositif de coopération pédagogique, il est préférable de:
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mener un travail préalable sur l'ambiance de classe, le partage de valeurs communes, l'estime de soi ou la mise en place du "vivre ensemble" et d'un climat de confiance où chacun sait qu'il est reconnu et respecté. Outre la facilitation de la mise en place de la pédagogie coopérative, il s'agit d'autant d'éléments qui contribueront à prévenir des situations problématiques ;
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mettre en place une structure coopérative :
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au niveau de l'espace-temps (lieux de parole et d'échanges, plages de temps personnel et de temps collectif, plan de travail) ;
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au niveau des relations (formation, identification des tuteurs, clarification des attendus et des attitudes) ;
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au niveau de la communication (code son, médiatisation de l'état de coopération) ;
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pouvoir identifier les ressources des élèves et ainsi organiser les interactions.
La coopération repose sur cette conviction profonde : on ne saurait atteindre un but qu'à la condition que tous y parviennent.
Virginia Burden